Depuis quelques semaines, je me suis lancée dans une nouvelle aventure, celle de la réédition numérique du texte d’Amédée Fraigneau, Rouen bizarre, publié en 1888. Ce billet vise à présenter (à grands traits) ce projet et ses objectifs.
En octobre 1888, Amédée Fraigneau, journaliste au Nouvelliste de Rouen, publie chez Schneider Frères, éditeur installé rue Jeanne d’Arc, un ouvrage sur les bas-fonds de la ville, ses vagabonds (les « Soleils ») et ses « métiers bizarres ». Préfacé par Georges Dubosc, l’ouvrage reçoit le titre quelque peu racoleur de « Rouen bizarre ». Le texte se veut un reportage, que l’on cite souvent depuis, dès lorsqu’il s’agit d’évoquer l’aspect de la ville à la fin du XIXe siècle.
Cependant, Rouen bizarre nous livre-t-il véritablement un reflet des quartiers pauvres de la capitale normande ? Écrit par un journaliste, il s’inscrit dans un phénomène éditorial, celui des « guides et descriptions des bas-fonds », dont le genre fait florès à Paris. À travers des brochures aux titres évocateurs, telles que Paris étrange, Paris horrible et Paris original, Une nuit de Paris, au pays du vice et de la misère, le lectorat se procure quelques émotions fortes, où se mêlent curiosité, effroi, attrait exotique de la misère et désir de transgression.
Fruit d’une formule éditoriale bien rodée, dont les racines remontent au XVIIIe siècle, ces ouvrages s’autoalimentent en anecdotes sordides, en descriptions pittoresques et en figures stéréotypées, que l’on retrouve d’un texte à l’autre. Ainsi, lorsque l’historien démêle l’écheveau du récit, il en tire bien plus d’enseignements sur l’image que se faisaient les élites intellectuelles du petit peuple que d’informations sur le petit peuple en lui-même.
Dès lors, quel crédit accorder à Rouen bizarre ? Est-il vraiment un moyen pour lecteur moderne d’approcher le Rouen disparu ?