L’Institut National d’Histoire de l’Art, à Paris, accueille du 12 au 14 août l’une des nombreuses conférences satellites du 80e congrès mondial des bibliothèques et de l’information de l’IFLA (Lyon, 16-22 août 2014). « Les bibliothèques d’art face au défi de l’édition électronique : nouveaux formats, nouveaux acteurs, nouvelles solutions » est le thème retenu.
Synthèse de mes notes pour la seconde session, dont vous pouvez retrouver le programme ici. En fonction de la mise en ligne des PowerPoint, je compléterai ou corrigerai ces notes.
Session 2 – Les publications numériques d’art en open access
Martin Flynn, directeur honoraire des services d’Informations au Victoria and Albert Museum était le modérateur de cette seconde session consacrée aux publications numériques d’art en open access. La première intervenante, Alexandra Büttner, historienne de l’art, a présenté le programme open access de la bibliothèque universitaire de Heidelberg. Puis Sylvain Machefert, bénévole à la fondation Wikimédia France et par ailleurs bibliothécaire, est venu présenter un partenariat entre Wikimédia et le Centre Pompidou.
Un modèle pour l’avenir de l’édition d’art : l’open access à la Bibliothèque universitaire de Heidelberg
Note personnelle : La bibliothèque universitaire de Heidelberg est un lieu innovant, dont les services ont été loués par tous les étudiants que je connais. Son offre numérique et ses horaires d’ouvertures sont particulièrement appréciés.
Depuis 2006, la bibliothèque universitaire de Heidelberg est engagée dans la promotion de l’Open Access numérique, notamment à travers sa plateforme « Art-Dok », spécialisée dans l’histoire de l’art, où les chercheurs du monde entier peuvent déposer leurs travaux (monographies, thèses, articles, conférences, littérature grise) sans frais. Il s’agit d’un espace d’auto-archivage de pré- et post-publication avec évaluation par les pairs. La plateforme abrite actuellement plus de 2600 textes et s’inscrit dans le réseau plus vaste des bibliothèques virtuelles d’art allemandes, appelé arthistoricum.net.
L’université de Heidelberg propose également un service « Open Journal Systems » dont la plateforme « E-Journals » accueille des revues spécialisées numérisées ou nativement numériques. Actuellement, ce sont 25 titres qui y sont conservés et diffusés. Le programme a commencé avec la numérisation et l’OCR du « Kritische Berichte – Zeitschrift für Kunst-und Kulturwissenschaften », puis s’est poursuivi avec d’autres revues, toujours en collaboration étroite avec leurs éditeurs. Chaque auteur d’article est contacté afin de s’assurer de son accord avant la mise en ligne. Rares sont ceux qui refusent la mise à disposition des textes en open access. Le travail de conversion est le fruit de la collaboration entre les employés de la bibliothèque et les éditeurs des revues, qui sont ainsi formés à l’utilisation de la plateforme et aux pratiques et formats de la publication électronique.
La plateforme abrite également des revues nativement numériques, publiées à l’aide du logiciel Open Journal System. Si toutes les publications sont open access, certaines, notamment celles qui continuent à être publiées sur papier parallèlement à l’édition électronique, sont placées sous embargo pour une période allant d’un à trois ans.
Pour ces services, la bibliothèque reçoit un financement de l’université et de la fondation allemande pour la recherche, la Deutsche Forschungsgemeinschaft. Toutes les bases sont moissonnables en OAI-PMH et sont ainsi indexées dans d’autres plateformes plus importantes : Google Scholar, OAIster…
Par cette coopération avec les éditeurs des revues, la bibliothèque de Heidelberg montre la voie à de nouvelles pratiques innovantes en matière d’édition scientifique. En procédant ainsi, elle assure également une préservation sur le long terme des documents nativement numériques.
Il est à noter que la plupart des entrées vers la bibliothèque numérique de Heidelberg viennent de Wikipédia et de Facebook.
L’amélioration des articles sur l’art moderne dans Wikipédia, un partenariat entre Wikimédia France et le Centre Georges Pompidou
Après un bref rappel sur l’articulation entre la fondation Wikimédia et les différents projets Wiki- (Wikipédia, Wikisource, Wikimedia Commons…), Sylvain Machefert nous a présenté le groupe de travail GLAM, qui entend favoriser le développement des partenariats avec les galeries, musées, archives et bibliothèques. En France, cela passe par différentes collaborations avec des institutions. Ainsi, en 2010, Gallica avait versé une centaine de livres dans Wikisource pour tester une formule de relecture collaborative des OCR par la communauté. En 2011, un wikipédien avait été reçu en résidence au Château de Versailles, où il avait formé le personnel à Wikipédia. Ensemble, ils avaient enrichi considérablement l’encyclopédie en ligne.
En septembre 2013, un partenariat officiel est signé entre le Centre Pompidou et Wikimédia France. Ce partenariat porte sur deux programmes d’enrichissement des articles de Wikipédia, l’un à destination du grand public, l’autre à destination du personnel de la bibliothèque Kandinsky. Le programme « grand public » était ouvert à 28 volontaires. Il y a eu beaucoup plus de candidatures, refusées faute de place. Durant 8 mois, ces volontaires étaient conviés à 20 ateliers de 2h. Ceux-ci comportaient une formation à Wikipédia, puis des workshops d’ébauche et d’écriture d’articles.
L’expérience s’est conclue par un semi-échec : si du contenu a bien été créé, le fonctionnement des ateliers, trop lourd, a découragé certains participants qui ont abandonné un à un le programme. Le dernier atelier a même dû être annulé faute de participant. Aujourd’hui, plus aucun de ces contributeurs n’est actif sur l’encyclopédie.
Ce n’est qu’un semi-échec à plusieurs titres. Tout d’abord, des contenus de qualité ont été créés (Sylvain Machefert nous a montré l’exemple – spectaculaire – du violon d’Ingres de Man Ray, considérablement enrichi durant les ateliers). De plus, même s’ils ne sont plus actifs, ces internautes ont été sensibilisé à Wikipédia et ont appris son fonctionnement. Ce genre de programme, attirant des publics variés, contribue à réduire la fracture numérique et à former des citoyens-internautes, acteurs et créateurs d’un web ouvert et libre. Il permet aussi de faire de la médiation personnalisée autour des œuvres et des collections du musée. Enfin, Wikimedia a pu tirer des enseignements de ces ateliers, poursuivant le désir de trouver la « formule idéale » : faut-il plus ou moins d’ateliers ? sur quelle période ? avec quel public ?
Le second programme, à destination du personnel du musée a été plus convaincant et concluant. En moyenne, chaque participant a écrit 61 000 signes sur l’encyclopédie. Le pari était cependant plus facile : le public, composé de professionnels de la documentation, était plus homogène et déjà à l’aise avec l’outil informatique et les contenus du Centre Pompidou.
Pour Sylvain Machefert, les institutions culturelles ont intérêt à développer des articles de qualité sur Wikipédia. En effet, c’est là que se rend en premier lieu le public, et non sur les sites spécialisés tels que les sites institutionnels. Il est donc indispensable de former les professionnels des bibliothèques, musées et archives aux enjeux des projets Wiki- et de leur donner les outils pour enrichir les articles de Wikipédia. Mais pour cela, il faut d’abord expliquer que le plus important est que le public ait accès à des informations de qualité, quel que soit le site web consulté. Il faut donc penser service public avant de penser « fréquentation statistique » du site de l’établissement.