Première conclusion de mes prospections sur l’annotation, publié début mai sur le blog de classe.
Qu’est ce qu’une annotation?
Les dictionnaires donnent plusieurs définitions du mot annotation:
"Notes accompagnant un texte pour en fournir une explication ou une critique".
( Dictionnaire de la langue française)
"Action de faire des remarques sur un texte pour l'expliquer ou le commenter ; ces remarques"
(Larousse)
"Remarques manuscrites notées en marge d'un texte."
(Dictionnaire du CNRTL)
Ces différentes définitions sont intéressantes en ce qu’elles divergent. Si tous s’accordent à designer l’annotation comme une remarque apposée en regard du texte, sa nature n’est pas bien claire. Sa forme tout d’abord : le CNRTL entend l’annotation comme une remarque manuscrite, tandis que le Larousse et le Dictionnaire de la langue française ne donnent pas de précision de cette nature. La note peut être en effet manuscrite (elle est apposée sur une exemplaire du livre) ou bien imprimée, dans le cas d’une édition critique par exemple. D’autre part, les trois dictionnaires n’appréhendent pas le contenu de la note de la même façon : le CNRLT ne dit rien de son contenu, tandis que le dictionnaire de la langue française et le Larousse s’essayent à le définir: une remarque d’explication ou de critique pour le premier, une remarque d’explication ou de commentaire pour le second.
J’opterai temporairement pour une définition large qui mixe un peu les trois : « Remarques accompagnant un texte pour en fournir une explication ou un commentaire ».
Cette définition personnelle a des limites : l’explication n’est-elle pas un commentaire? Par ailleurs, elle appréhende l’annotation comme un texte apposé à un autre texte, excluant des pratiques d’inscription sur le texte, comme le surlignage, le soulignage ou l’apposition de signes, qui sont, à mon sens, des annotations, même si elles n’ont de sens que pour celui qui les traces et les relit.
L’annotation, un objet historique
La note en marge du texte, qu’elle soit imprimée ou manuscrite, n’est pas une chose insignifiante. Des gens s’y intéressent, font de la recherche à propos de la note, car elle porte les traces d’une histoire passionnante : celle de l’appropriation et de la circulation des savoirs, celle des pratiques de lecture.
L’annotation manuscrite, trace des pratiques de lecture
Les notes manuscrites dans les livres nous en apprennent beaucoup sur les manières de lire au passé. La lecture est une forme essentielle de l’appropriation des connaissances, de la construction des savoirs et de l’échange entre les intellectuels. Mais les pratiques de lecture ont été diverses et peu d’indices peuvent nous permettent de les appréhender. Les annotations sont une des plus précieuses sources car elles nous laissent deviner comment les lecteurs ont utilisés leur livres, les références qu’ils avaient en tête alors qu’ils lisaient…
Le projet de bibliothèque virtuelle Annotated Books Online (ABO) propose un espace de travail collaboratif pour les chercheurs qui étudient les livres annotés de l’époque moderne.
La note de bas de page
La note manuscrite, propre à un exemplaire et à un lecteur n’est pas la seule à intéresser les historiens du livre et du savoir. La note de bas de page aussi a beaucoup à raconter : les chercheurs y indiquent leurs sources (archives), une bibliographie indicative, qu’ils commentent parfois, revendiquent une appartenance à telle ou telle école, précisent l’historiographie du sujet qu’ils traitent… de façon plus ou moins subtile. Il existe tout un savoir faire et un savoir vivre de la note de bas de page.
Il y a, sur ce sujet, une référence incontournable, l’ouvrage d’Antony Grafton, « les origines tragiques de l’érudition, une histoire de la note en bas de page » que je lis actuellement.
Il me paraît indispensable d’avoir une vision de l’historiographie sur l’annotation pour appréhender au mieux mon stage. En effet, avec le numérique et le web, les pratiques d’annotation, comme celles de lecture, se renouvellent totalement. De ce fait, impossible de comprendre les usages de l’annotation dans l’univers numérique sans avoir un oeil dans le retro de l’histoire.
L’annotation à l’ère du numérique
Le numérique a totalement renversé et renouvelé les accès aux documents, les pratiques de lecture et bien sûr d’annotation.
Internet, le commentaire et la conversation
A l’heure du web 2.0, l’annotation a pris de nouvelles dimensions. L’internaute peut commenter un article de journal en ligne, un billet de blog… le commentaire, voici une forme d’annotation somme toute assez classique. Mais annoter sur le web prend de nouveaux biais: créer un lien entre deux ressources distinctes, géolocaliser une information, relayer une page sur les réseaux sociaux, voici d’autres manières d’annoter.
La dimension conversationnelle de l’annotation à l’ère du web est incontestable : le commentaire, la note sont vecteurs d’échanges. Pourtant, l’enrichissement des contenus que peuvent former les annotations sont encore peu ou mal exploitées (pas indexées par les moteurs de recherche, non interopérables, non récupérables)
L’annotation, l’avenir du commentaire
Nombreux sont ceux qui réfléchissent à l’amélioration du simple « commentaire » par des outils d’annotations plus puissants, capables de s’accrocher partout sur le net (sur un texte, une page, un fragment d’image) et offrant de nouveaux parcours de navigation. Si les outils se multiplient, aucune règle n’existe: les standards ne sont pas encore fixés. Une mission à laquelle le W3C travaille!